la MECS a ouvert dans ses locaux un restaurant qui accueille de jeunes mineurs isolés étrangers logés par les services sociaux à l’hôtel
Depuis 2014, sept jours sur sept, midi et soir, une vingtaine d’adolescents se retrouvent pour partager leurs repas mais également échanger avec le personnel en charge du restaurant.
Des jeunes déracinés…
Ils ont entre 15 et 17 ans, sont venus seuls d’Angola, du Mali, de Côte d’Ivoire, de Tunisie, d’Algérie, du Ghana, du Sénégal ou encore du Cameroun après un voyage épuisant et traumatisant et sont logés à l’hôtel. Ils ne bénéficient donc pas du même accompagnement que les jeunes accueillis à temps plein au sein de MECS. Ils ne sont pas au quotidien avec les éducateurs du service départemental de la protection de l’enfance qui les suivent et restent davantage en contact avec eux par téléphone. Ces jeunes sont scolarisés au collège ou suivent une formation professionnalisante. Parfois totalement illettrés, ils doivent rapidement apprendre le français, à lire et à écrire. Terriblement seuls, les temps qu’ils passent à la MECS rythment leur vie et leur permettent de nouer peu à peu des relations de confiance avec les adultes, maîtres de maison. Ces derniers ont eux-mêmes connu un parcours migratoire qu’ils peuvent aujourd’hui mettre en perspective. Ils comprennent l’état psychologique des jeunes, leur incompréhension devant certains codes de notre société et sont capables de répondre à nombre de leurs questions et de leur besoin d’explications. Ils les aident peu à peu à s’approprier les règles de leur nouvel environnement. Ils les encouragent et les soutiennent dans les moments de déprime.
Karim Shabani et Bayo Guirassy, deux des trois maîtres de maison.
… qui s’appuient sur des maîtres de maison polyvalents et bienveillants
Ces derniers ne sont pas seulement là pour les repas. Ils sont chargés de la lessive et de l’entretien du linge des jeunes ou encore de les aider lors de l’achat de leurs vêtements grâce à une allocation mensuelle. Les samedi, dimanche et lundi, avec bon nombre des adolescents qui viennent les aider, ils cuisinent des menus africains. L’évocation des origines à travers des saveurs et des traditions culinaires se conjugue avec l’acquisition de savoir-faire qui seront nécessaires lorsque, devenus adultes, ces jeunes vivront seuls. Les maîtres de maison sont particulièrement sollicités durant ces moments de partage et de discussions informelles ; pourquoi les procédures administratives sont-elles si longues et compliquées ? comment faire pour trouver un stage ? pourquoi l’éducateur ne vient pas à chacun des rendez-vous avec un potentiel employeur ? qu’attend le patron d’un apprenti et pourquoi ? à quoi bon après tout, l’avenir semble si sombre… Les maîtres de maison traitent les besoins du quotidien ; ils offrent aussi un véritable appui psychologique.
Une expérience à élargir
Les mineurs migrants isolés requièrent un accompagnement spécifique approprié à leur situation. L’internat traditionnel en MECS n’est pas toujours la meilleure solution. La réussite de l’expérience du restaurant social nous incite à réfléchir à la suite : comment aller plus loin et proposer par exemple des solutions de logement qui garantissent une certaine autonomie tout en favorisant une intégration et une sociabilisation ? La volonté de s’en sortir chevillée au corps, ces jeunes ont terriblement besoin d’acquérir les codes d’un pays qu’ils ont fantasmé et que maintenant ils découvrent et doivent apprivoiser. C’est pourquoi Moissons Nouvelles travaille actuellement avec le Conseil départemental de l’Eure à l’élargissement du dispositif de restaurant à un système de résidence sociale, qui pourrait voir le jour en 2019.