A lire cette enquête réalisée par Ipsos pour l’association Mémoire traumatique et victimologie qui dresse un état des lieux des faits d’agressions chez l’enfant.
Les violences sexuelles faites aux enfants sont très fréquentes : chaque année 130 000 filles et 35 000 garçons ont subi des viols et tentatives de viols.Les Actualités sociales hebdomadaires dressent une brève synthèse de l’ensemble des résultats.
“Les violences sexuelles faites aux enfants sont avant tout incestueuses, dans un contexte de dépendance totale. En moyenne en France, les enfants victimes de violences sexuelles ont 10 ans au moment des faits et dans 83 % des cas, les victimes sont des filles. 22 % des violences subies par ces victimes sont des viols et 89 % des agressions sexuelles, telles que des attouchements. Selon l’enquête, 5% des victimes étaient handicapées lors des violences sexuelles (et même 8% lors des viols, plus de 4 fois plus que dans la population générale des mineurs qui sont 1,7% à être handicapés), précise l’étude publié le 7 octobre (1).
Les agresseurs sont en grande majorité (90%) des hommes, qui ont une moyenne d’âge de 30 ans, en grande majorité connu de la victime, en majorité des membres de la familles, dont 30% sont mineurs, et qui d’après les victimes aurait fait d’autres victimes dans 30% des cas.
Une prise en charge médico-psychologique insuffisante
Les conséquences des violences peuvent être lourdes : près d’une victime sur deux a fait une tentative de suicide, 52 % souffrent de troubles alimentaires et 36 % de conduites addictives. Selon ce sondage, 4 victimes sur 10 (39 %) a en outre connu des épisodes d’amnésie suite aux violences. « La prise en charge médico-psychologique est notoirement insuffisante ce qui représente une importante perte de chance pour la santé des victimes : moins d’une victime sur dix a bénéficié d’une prise en charge médicale immédiate, pour la majorité a fallu attendre plus de 10 ans, seules 23% des victimes ont bénéficié d’une prise en charge médico-psychologique spécialisée. Et près de 80% des professionnels de la santé ne font pas le lien entre les violences subies dans l’enfance (avec le trauma que cela a engendré) et leur état de santé », souligne l’enquête.
Si les victimes parlent, la parole se libère très tardivement : « En moyenne, les victimes ont parlé de leur(s) agression(s) plus de 12 ans après les faits, un délai qui s’établit à 14 ans pour les victimes de viol(s) ».
La parole des victime peu entendue
L’enquête met en évidence l’absence de conséquence de la prise de parole des victimes. 69% d’entre elles choisissent de parler des violences qu’elles ont subies, la première fois à un membre de leur famille dans un peu plus de la moitié des cas. Elles reparleront ensuite, dans 72% des cas à un membre de leur famille à nouveau, dans 34% à un professionnel de la santé. L
es interlocuteurs de ces victimes ont, souvent, cherché à en savoir plus. En posant des questions sur les faits (57%) ou en abordant le sujet spontanément par la suite (38%). Mais 12% seulement ont effectué un signalement. « Mais parler n’est pas du tout pour les victimes une garantie d’être secourues : pour deux tiers d’entre elles le fait d’avoir parlé n’a entraîné aucune conséquence, seules 8% ont été protégées, l’agresseur n’est éloigné de la victime que dans 6% des cas, 12% seulement des violences sexuelles ont été signalées. 24% des interlocuteurs ont préféré esquiver le sujet, 17% (et même 24% quand il s’agit de viol) ont mis en doute la victime et ont accusé la victime de mentir, 13% (et même 22% quand il s’agit de viol) ont demandé à la victime de garder le silence. Un quart des victime côtoie encore l’agresseur au moment de l’enquête et près d’une sur dix le croise régulièrement », détaille l’enquête.
Fait important, peu de victimes portent plainte : 14% de l’ensemble des victimes de violences sexuelles et 24% des victimes de viol. « Le dépôt de plainte, lorsqu’il a été fait, entraîne dans 6 cas sur 10 une instruction judiciaire… qui se solde dans moins d’un cas sur deux par une condamnation. »
Ces chiffres confirment « une nouvelle fois la réalité dramatique des violences faites aux enfants dans notre pays », a réagi, dans un communiqué, Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, précisant qu’un plan de lutte contre les violences serait présenté en novembre.”
Nadia Graradji (Presse Scriptum)
(1) L’enquête a été conduite du 10 au 19 septembre 2019 par Ipsos, auprès de 502 français·e·s âgé·e·s de 18 ans et plus, ayant été victimes de viols et d’agressions sexuelles dans l’enfance, 83% de femmes et 17% d’hommes, constituant un échantillon interrogé par internet via l’Access Panel Online d’Ipsos.